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Djamila Boupacha

Vous connaissez Djamila Boupacha ? Agente de liaison du Front de Libération Nationale, Djamila Boupacha est un emblème du combat des Algérien·nes pour l’indépendance de leur pays. Son procès est le dernier grand procès et le seul cas de viol médiatisé de cette guerre qui ne dit pas son nom. Le procès Boupacha est une étape importante du combat pour la qualification juridique du viol comme sévice spécifique.



Alger, septembre 1959.

Une bombe est désamorcée avant d’exploser à la Brasserie des Facultés.

Aucune victime.


Dans la nuit du 10 au 11 février 1960, une cinquantaine de militaires et policiers français, font irruption chez les parents de Djamila qui vient tout juste d'avoir 22 ans.


Djamila est emmenée à El-Biar où elle est rouée de coups et piétinée avant d’être transférée à Hussein-Dey. Pendant 33 jours, trois harkis, deux militaires français et trois inspecteurs en civil lui administrent "le second degré" : torture électrique, coups de poing, brûlures de cigarettes s’alternent. Puis, viennent "la baignoire" et les viols sous la forme du "supplice de la bouteille". Ses tortionnaires ne manquent ni d’imagination ni d’expérience.


Chef d’accusation : association de malfaiteurs et tentative d’homicide volontaire.


Pour ce "crime", la militante du Front de Libération Nationale encourt la peine de mort. Pas l’ombre d’une preuve. Aucun témoin ne l’a identifiée. Il faut des aveux pour l’incriminer.


Ils finissent par les obtenir.


Djamila Boupacha comparaît devant un juge d’instruction le 15 mars 1960. Elle ne rencontre son avocate que deux mois plus tard.


A la prison de Barberousse, Gisèle Halimi écoute le récit de Djamila et met au point une stratégie de défense : médiatiser l’affaire. L’objectif est triple : démontrer que ses aveux ont été extorqués sous la torture et ainsi lui éviter la condamnation à mort, dénoncer les violences physiques et sexuelles qu’elle a subies, et faire punir les tortionnaires.


Gisèle Halimi réclame aussi une enquête. Un grand nombre de témoins dont elle cite les noms et les adresses sont prêts à confirmer les faits rapportés par sa cliente.


Djamila Boupacha déclare publiquement avoir été violée en dépit des tabous autour du corps des femmes et la sacralisation de la virginité. Alors que les viols font partie de la répression coloniale, c’est le seul cas de viol médiatisé de la guerre d’Algérie et c’est la première fois qu’on politise des questions sexuelles en interrogeant le viol comme sévice spécifique.


Djamila le fait pour des raisons politiques : faire avancer la lutte pour l’indépendance de son pays.


En quelques semaines, Gisèle Halimi réussit à faire du sort de sa cliente une grande cause. Elle crée avec Simone de Beauvoir le Comité de Défense pour Djamila. Nombreux·ses sont les intellectuel·les et artistes qui s’y engagent : Louis Aragon, Jean-Paul Sartre, Elsa Triolet, Geneviève de Gaulle, Gabriel Marcel, Germaine Tillion…


Le Comité demande en premier lieu le transfert en France du procès de Djamila. S’il se tient en Algérie, sa mort est certaine : ses bourreaux ont tout intérêt à ce que l’affaire ne s’ébruite pas.


Simone Veil, alors magistrate déléguée au ministère de la Justice, obtient le dessaisissement du Tribunal militaire d’Alger au profit du Parquet de Caen et le transfert de Djamila en France.


Lors de son procès, en juin 1961, Djamila identifie formellement ses tortionnaires.


L’affaire prend une dimension internationale. De nombreuses manifestations de soutien à Djamila ont lieu devant les ambassades de France à Tokyo, Washington et un peu partout dans le monde.


Fin janvier 1962, Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir publient un plaidoyer chez Gallimard. En couverture, un portrait de Djamila réalisé par Pablo Picasso.


Djamila Boupacha est amnistiée le 18 mars 1962, avec la signature des accords d’Evian. Ses tortionnaires ne sont pas poursuivis.


Son portrait réalisé par Picasso est aujourd’hui exposé au Musée de l’Armée à Paris. De nombreux collectifs demandent sa restitution à l’Algérie.


Après tout, - comme l'a insinué finement M. Patin, Président de la Commission de Sauvegarde, au cours d'un entretien auquel j'assistais - Djamila Boupacha est vivante : ce qu'elle a subi n'était donc pas terrible. - S. de Beauvoir



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