Marcelle Baron
- Juliette Raynaud
- 30 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours
Vous connaissez Marcelle Baron ? Résistante de la première heure, elle adhéra au Parti Communiste (clandestin) le jour de l’entrée des troupes allemandes à Nantes, le 19 juin 1940. Elle fut agente de liaison puis responsable régionale des Francs-Tireurs Partisans. Arrêtée par la police française en mars 1944, elle fut déportée à Ravensbrück puis à Zwodau.

Marcelle naît en 1909 dans un quartier ouvrier de Nantes. Son père est cheminot mécanicien machine à vapeur, sa mère vit de petits boulots. Iels lui transmettent le goût de la lecture, du théâtre, des voyages... Brillante élève, elle obtient un diplôme de comptable.
A 17 ans, elle rencontre Alfred Baron. Il a 20 ans, il est « métallo » à l’usine des Batignolles, membre du Parti Communiste et de la CGT. Marcelle l’épouse en mars 1928 et donne naissance à leur fille Annick en juillet de cette même année. En 1936, Alfred est un des organisateurs de l’occupation de l’usine des Batignolles. (Il est aussi le meilleur ami de Gaston Turpin qui fera sauter le pont roulant de l’usine et sera condamné à mort lors du « Procès des 42 » en 1943.)
Quand la guerre arrive, Alfred est mobilisé sur le front de l’Est. C’est par lettre qu’il apprend la naissance de leur fils Jean-Claude, en octobre 1939. Lors de la capitulation de la France, il est envoyé au stalag en Autriche. Marcelle se retrouve seule avec deux enfants, dont un nourrisson.
Pour Marcelle, l’Occupation est insupportable. Le 19 juin 1940, quand elle voit le drapeau à croix gammée flotter sur l’Hôtel de Charrette place Foch (devenu le siège de la Kommandantur suite à sa réquisition par les nazis), son sang ne fait qu’un tour : elle adhère au Parti Communiste alors clandestin.
Marcelle ne fait pas de compromis. Dans les transports, quand un soldat allemand vient s’asseoir à côté d’elle, elle se lève, ostensiblement, le toisant de ses yeux bleus. Dans la rue, quand des soldats allemands passent, elle change de trottoir, toujours ostensiblement.
Elle devient agente de liaison pour le PCF. Elle distribue des tracts, transmet des informations, accueille des évadés du camp de Choisel dans sa maison du quartier de Doulon, rue Francis de Pressensé, qui sert de « cache ». Parmi bien d’autres, en 1941, elle planque Fernand Grenier qui deviendra ministre à la Libération.
Son fils, Jean-Claude Baron, me raconte : « Un jour, elle se fait arrêter place Louis XVI pour un contrôle d’identité. Je ne suis pas seul dans la poussette : il y a plein de tracts ! Pour faire diversion, elle met une claque à ma sœur qui se met à hurler. Les policiers nous ont laissé passer. »
Pour assurer sa couverture, elle prétend qu’elle ne s’occupe de rien : « Le plus dur pour elle c’était de passer pour une dégonflée. ».
En 1943, Marcelle devient responsable régionale des Francs-Tireurs Partisans (FTP) sous la direction de Libertaire Rutigliano. Elle met ses enfants et sa mère à l’abri des bombes alliées et de la faim, chez des ami·es dans un hameau près de Nord-sur-Erdre. Elle leur rend visite tous les weekends.
« Un jour, ma mère n’est plus venue. »
En 1944, Libertaire Rutigliano et de nombreux·ses membres du réseau nantais des FTP sont arrêtés. Marcelle est arrêtée par la police française en mars 1944. Elle est torturée dans les sous-sols de la Gestapo pendant plusieurs jours avant d’être enfermée à la prison Lafayette. Elle y rencontre Gisèle Giraudeau (Fraud à l’époque), une autre résistante nantaise ; elles ne se quitteront plus. Elles sont transférées au fort de Romainville puis déportées à Ravensbrück le 13 mai 1944.
En juin 1944, elles sont transférées avec Raymonde Guérif et d’autres détenues à Zwodau, un petit camp en Tchécoslovaquie. Elles doivent d’abord construire le camp, puis travaillent dans une usine Siemens. Marcelle manie la perceuse et doit faire toujours le même trou au même endroit. Parfois, elle fait le trou un peu à côté. Sabotage. Si Marcelle a le moral et motive les troupes au début, sur la fin, c’est Gisèle qui la porte à bout de bras.
Au printemps 1945, les camps sont vidés à mesure de l’avancée soviétique. Marcelle et Gisèle échappent à la première évacuation, à la « marche de la mort » qui sera fatale à Raymonde Guérif. En mai 1945, elles sont mises sur la route avec les dernières détenues. Laissées dans une grange par leurs gardiens SS qui fuient l’avancée de l’armée américaine, elles retournent au camp, désert. Désemparées, elles trouvent à manger dans les cuisines et survivent comme elles peuvent.
Très affaiblie, Marcelle est rapatriée en France allongée et arrive un jour en ambulance dans la petite cité où habite désormais sa famille. Alfred avait été libéré du stalag en 1942, était entré en clandestinité et s’était réfugié dans un hameau sur la route de Chateaubriant. A la Libération, en août 1944, il avait réintégré l’usine des Batignolles et vivait avec Jean-Claude et Annick dans la Cité Halvêque, 34e rue, n°6.
Après un long rétablissement, Marcelle devient secrétaire à la CGT et reprend ses activités militantes. Elle accompagne notamment la lutte des travailleuses exploitées de l’usine Guillouard.
Marcelle s'éteint à 102 ans, en 2011.
Un collège à Héric porte son nom, ainsi qu’une rue à Sainte-Luce-sur-Loire (deux communes dans la région nantaise).
« Lager, camp de concentration, ce souvenir hante encore mes nuits. J’y ai trop souffert. Les coups, la faim, la crasse, la peur et, pendant les interminables appels, les yeux de mes compagnes où dansait la folie. De tant d’horreurs mon cœur devint immense. Ici la vie est facile mais jamais je n'oublierai mon âme de là-bas. » - Marcelle Baron
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