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Germaine Berton

Vous connaissez Germaine Berton ? Militante antimilitariste et féministe, elle transgressa l’ordre social et sexué de la société du début du siècle. A 20 ans, cette jeune anarchiste aux allures de "garçonne populaire" tua un homme pour des idées. Et elle fut acquittée.


Alors qu’on refusait aux femmes l’égalité politique, Germaine Berton assassina Marius Plateau, chef des camelots du roi et haut dirigeant de l’Action Française. Bercée par les discours de Jaurès, elle était en quête d’une société nouvelle au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Elle haïssait le climat de haine alimenté par la ligue, la guerre, et ceux qui la mène contre le peuple.



Germaine Berton naît à Puteaux en 1902. Sa mère est institutrice, son père ouvrier constructeur-mécanicien. Enfant, elle assiste à des rassemblements ouvriers avec son père, libre-penseur cultivé, anticlérical et grand admirateur de Jaurès.

Sa scolarité est exemplaire. A l’école, elle crée un groupe de théâtre où elle fait jouer la décapitation de Louis XVI. Après l’obtention de son brevet supérieur, elle s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Tours où elle reçoit un premier prix de dessin, un deuxième prix d’anatomie et une mention en aquarelle. Intellectuelle bercée par les discours de Jaurès, elle est antimilitariste et lit beaucoup.

La violence de la guerre a une influence définitive sur son itinéraire. Elle développe une haine radicale de la guerre et de ceux qui la rendent inévitable.

A la mort de son père, en 1918, elle abandonne l’école et commence à travailler dans les ateliers de chemins de fer. Elle y côtoie des militant·es de la Confédération Générale du Travail, rejoint le syndicat et défend les droits sociaux. Proche du parti communiste, elle adhère finalement à l’Union anarchiste.

Exaltée par la Révolution bolchévique, Germaine Berton revendique l’action directe. Elle critique la propriété, "prêche la violence" (selon la police) et n’hésite ni à se battre ni à escroquer les patrons. A 19 ans, elle est condamnée à 3 mois de prison pour avoir giflé un agent de police.

Accaparée par son militantisme et ses lectures, elle mène une vie de bohème libertaire. Elle écrit des articles pour différents journaux et appelle à la désertion les soldats toujours mobilisés sur le front de l’est. Elle est en mauvaise santé et sa vie sentimentale est chaotique depuis la mort de son amour de jeunesse à la guerre. Elle tombe amoureuse d’un anarchiste, Armand, qui, appelé à rejoindre l’armée, se suicide. Comme beaucoup de jeunes femmes de son époque, elle avorte dans des conditions difficiles.

"Lorsqu’on a vu cela et lorsqu’on songe qu’il va falloir revivre encore cela, je dis qu’il faut être bien indifférent pour ne pas se révolter, ou bien lâche."

Elle perçoit le lien entre la menace de l’Action Française - et sa poussée dans le milieu intellectuel de l’époque - et la montée du fascisme en Italie. Elle juge l'Action Française responsable d’un incessant climat de violence et de l’assassinat de Jean Jaurès.

Elle veut assassiner "l’ennemi le plus acharné de la classe ouvrière et aussi l’ennemi de la République" : Léon Daudet. Royaliste, nationaliste et antisémite, il est député de Paris, chef de l’Action Française et collaborateur polémiste du journal de la ligue qui n’a de cesse de prôner la haine.

Le 22 janvier 1923, elle se rend rue de Rome, au siège de l’Action Française. Elle est reçue par Marius Plateau, chef des camelots du roi et secrétaire zélé de la ligue. A la fin de l’entretien, elle fait feu. 5 fois. La dernière balle est pour elle.

Ce 22 janvier 1923, Germaine Berton, 20 ans, a tiré à bout portant sur Marius Plateau, chef des camelots du roi et haut dirigeant de l’Action Française. Elle pense éliminer un "deuxième couteau" mais, elle porte un coup fatal à celui qui souhaitait structurer l’Action Française pour en faire une véritable organisation politique.

Gravement blessée, Germaine Berton est soignée à l’hôpital Beaujon avant d’être emprisonnée à Saint-Lazare jusqu’à son procès.

Durant les 11 mois qui séparent l’acte du procès, l’affaire connaît une importante médiatisation. Transgressant l’ordre social de l'époque, cette anarchiste de 20 ans interroge et fascine.

Ses détracteurs la traitent "d’anti-femme" et arguent de son désordre moral. Sa détermination, sa fougue et son allure de "garçonne" dérangent. Elle incarne un trouble, une féminité dangereuse. Sa radicalité fascine les surréalistes et elle devient quasiment une icône du mouvement.

Germaine Berton a tué pour des idées et revendique son crime dans une France qui rechigne à accorder l’égalité politique aux femmes. Citoyenne sans citoyenneté, la jeune femme ne se cherche aucune excuse : c’est un acte politique.

A l'ouverture de son procès, le 18 décembre 1923, son avocat, Me Torrès, en parle ainsi :

"Elle est, avec ses tares et son courage presque viril, une garçonne populaire, génération dont la guerre a hypothéqué toute la vie."

De nombreuses personnalités politiques se mobilisent pour sa défense. A son procès, Léon Blum et Marcel Cachin témoignent en sa faveur.

Le 24 décembre 1923, après 25 minutes de délibération du jury, Germaine Berton est acquittée.


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