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Suzanne Noël

Vous connaissez Suzanne Noël ? Première chirurgienne esthétique, elle répara les "gueules cassées" de la Première Guerre Mondiale et transforma les visages des Résistant·es et des Juif·ves recherché.es par la police sous l’Occupation. Grande technicienne, elle marqua l'Histoire en faisant progresser considérablement la chirurgie réparatrice.



Suzanne naît en 1878 dans une famille de la petite bourgeoisie du nord de la France. Elle commence par faire ce qu’on attend d’elle : à 20 ans, elle épouse un grand médecin parisien, Henri Pertat, et vit dans un bel appartement du 17e arrondissement. Elle reçoit dans son salon bien arrangé et joue du piano.


Mais elle s’ennuie.


En 1905, elle commence des études. Elle fait médecine dans l’idée de travailler auprès de son mari. Les femmes sont rares dans les facultés et Suzanne n’a pas d’autre choix que d’exceller (voir Madeleine Pelletier). Elle rencontre Hippolyte Morestin dont elle admire la dextérité et le travail sur les sutures et les cicatrices. Elle rejoint son service de chirurgie maxillo-faciale.


En 1912, elle est reçue 4e à l’internat de médecine et se spécialise dans la réparation des visages. Travailleuse acharnée, elle recherche la précision, le geste juste, et développe des techniques extraordinaires en chirurgie réparatrice. Pour elle, le visage est une machinerie complexe qui se prête particulièrement bien aux expérimentations car la salive favorise la prise des greffes.


Assez étonnamment pour une femme, elle bénéficie très tôt d’une reconnaissance intellectuelle et scientifique.


Pour l’anecdote, Sarah Bernhardt, la plus grande star de la Belle Époque, est une de ses premières patientes : elle la charge de refaire son lifting raté par un médecin américain pourtant reconnu.


Au début de la Première Guerre Mondiale, Suzanne est mobilisée à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce au service de réparation des visages des soldats. Les visages des "gueules cassées", en charpies, nécrosés par les blessures d’obus sont en effet la grande nouveauté de cette terrible guerre, cette "putain de guerre" comme dirait le dessinateur Tardi.


Elle déteste l’idée de leur mettre des masques, des déguisements de pacotille qu’elle considère avilissants. Elle réunit autour d’elle neurologues et stomatologues pour reconstruire les visages et réparer les esprits. Pour elle, la façon dont on se présente au monde conditionne sa place dans la société. Elle sait bien que les "gueules cassées" de la Grande Guerre sont reconnus mais rejetés.


Suzanne ne fait plus ce qu’on attend d’elle : elle évolue entre l’appartement bourgeois de son mari médecin et la sous-pente de la chambre d’étudiant de son amant interne en médecine, André Noël, qui deviendra son 2e mari. Elle passe surtout ses jours et ses nuits à travailler à l’hôpital et à faire des recherches.


Elle explore de nouvelles techniques et le travail qu’elle mène avec Hippolyte Morestin permet un bond qu’on évalue à 60 ans sur le plan des greffes et des réparations de visages.


Dans l’entre-deux guerres, Suzanne Noël est une star. Elle fait le tour du monde pour enseigner, aux États-Unis, en Chine et au Japon. Féministe, en 1924, elle fonde "Soroptimist", un club de défense des droits des femmes.


Sous l’Occupation, elle transforme les visages de Résistant·es et de Juif·ves recherché.es par la police. À la Libération, elle intervient pour effacer les séquelles physiques de déporté·es des camps nazis.


En réparant le tissu facial, c’est le tissu social qu’elle veut réparer. Humaniste, elle milite pour le respect des droits humains, s'intéresse aux plus exclu·es de la société et a une vision moderne des rapports soignant·es – patient·es (comprendre : elle considère ses patient·es comme des personnes).


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